Autrefois, peu présent dans les sujets de discussions, je constate avec amertume que le viol sur mineures défraie la chronique ces dernières années. Selon les statistiques de l’Office de Protection du Genre, de l’Enfance et des Mœurs (OPROGEM), en 2019, entre janvier et septembre, près de 300 cas de viols ont été répertoriés dont 90% portaient sur des mineur.es. En 2020, la situation s’est plutôt aggravée avec 367 cas de viols dont 107 sur mineurs. Ce triste constat ne freine pas sa prolifération car l’environnement serait plutôt favorable.
Est-il normal de violer ?
Ma réponse déploie facilement ses ailes. Si je m’arc-boute sur le sens du mot, je sais d’ores-et-déjà que c’est une polysémie. Il indique un interdit partout où il est employé. J’entends souvent que tel a violé le règlement d’une structure, tel a violé la Constitution, tel a violé la fille du voisin nananinananaa… Tous ces emplois montrent clairement la transgression d’une loi. Alors n’importe quel trajet qu’emprunte le viol, il mérite d’être sanctionné. Si ce n’est peut-être pas dans la poésie où l’artiste lui donnerait un sens péjoratif sinon il reste ce qu’il est, interdit.
Donc il n’est pas du tout normal de violer une majeure à plus forte raison une mineure. Cet acte ignoble peut vous coûter 5 à 20 ans de réclusion criminelle ou vous prenez perpette selon les articles 268 et 269 du code pénal guinéen (février 2016).
Jusque là, vous n’avez pas compris pourquoi le viol serait normal et pourtant je vous répète qu’il est normal.
Allons à la recherche de sa normalité…
Si à chaque fois qu’un bourreau (violeur) est interpellé, la famille de la victime et l’entourage privilégient un règlement à l’amiable (donc sans saisir la justice) par peur que leur fille victime, pour des raisons socio-culturelles, ne soit étiquetée.
Parfois le bourreau est proche de la victime. De peur qu’il (le bourreau) ne soit humilié, on enterre la hache du crime en famille. Presque tous les membres de la famille cautionnement le viol. D’ailleurs, ne dit-on pas le plus souvent que “le linge sale se lave en famille”. Ce qui veut dire qu’un futur bourreau n’aura pas peur de passer à l’acte. Car ce qu’il fera n’est pas anormal aux yeux de la communauté. Encore moins à ceux des siens.
Oui je sais que ce n’est pas parce que la communauté ne dénonce le viol qu’il serait normal mais peut-être que c’est la justice qui le normalise. Allons voir de ce côté.
L’injustice normalise le viol…
Dans un pays de droit, le poids de la justice est incommensurable. Elle seule, en se basant sur des textes légiférés, a le droit de légaliser ou légitimer quoi que ce soit.. C’est elle qui arrête, juge et condamne. Si elle ne joue pas son rôle, les conséquences seront énormes. Le peu de cas de viol auxquels la justice a été saisie ne peuvent vraiment pas servir de cas d’écoles aux futurs bourreaux. Car l’argent et les relations permettent souvent à un joueur qui a écopé d’un carton rouge de rejouer au prochain match.
Je me dis que si la justice sanctionnait convenablement les bourreaux, en les interpellant, les jugeant, les condamnant tout en veillant à ce qu’ils purgent leurs peines, je ne dis pas que le viol ne sera plus d’actualité mais nous aurions posé des bases d’une diminution de cas. Les gens auraient eu peur de la justice donc peur de commettre le viol.
Sa normalité n’apparaît toujours pas car la faiblesse de la justice ne modifie pas un texte de loi.Vous vous dites peut-être que mes explications n’ont toujours pas montré le caractère normal du viol mais c’est tout à fait le contraire.
Posez-vous la question de savoir, pourquoi le taux de viol ne fait que grimper dans la société ? Oui, il grimpe chaque jour, il attire l’attention et provoque une indignation collective. La coalition des femmes et filles de Guinée pour le dialogue, la consolidation de la paix et le développement (COFFIG/DCPD) et la paix après, avoir mené une enquête sur les cas de viol dans la capitale guinéenne, soutient que : “si rien n’est fait pour arrêter ce phénomène (viol), toutes les filles de Guinée seront violées d’ici peu”.
Maintenant, les deux exemples explicites ci-haut peuvent suffire pour répondre à l’interrogation et confirmer réellement que rien n’est fait. Premièrement, le taux de viol grimpe parce que la plupart des cas se règlent à l’amiable. Deuxièmement, la justice ne joue pas son rôle. Ce climat de résignation tant social que judiciaire a favorisé une prolifération véloce du phénomène dans la société. Cette situation dramatique est confirmée par une étude de la COFFIG/DCPD qui démontre qu’en 2018 en l’espace de trois mois 552 de cas de viols avaient été enregistrés.
Enfin le normal !
Le viol est normal car c’est un fait social généralÏ. Émile Durkheim, père fondateur de la sociologie française définit un fait social comme étant : “toute manière de faire, fixée ou non, susceptible d’exercer sur l’individu une contrainte extérieure; ou bien encore, qui est générale dans l’étendue d’une société donnée tout en ayant une existence propre, indépendante de ses diverses manifestations au niveau individuel”.
Un fait social est normal selon lui lorsqu’il est général dans l’étendue d’une société. c’est-à-dire que si ce fait se produit dans la moyenne des sociétés de ce type à ce moment considéré. Un phénomène qui se répète dans plusieurs sociétés de façon régulière est un phénomène normal. alors le viol qui est présent dans presque toutes les sociétés (oui je me laisse une porte de sortie) de façon régulière est donc normal tant qu’il n’est pas combattu avec des méthodes plus approprié car ‘qui ne dit mot consent” mais aussi “qui ne fait rien consent”.
Bah Oumar Baîlo Bah