En Afrique, et particulièrement en Guinée, les mariages forcés sont légions. Des unions qui entraînent des souffrances, des douleurs accentuant les divorces et menant parfois à la mort. La vingtaine révolue et élève en classe de Terminale, *Maimounatou a récemment été victime d’un mariage forcé. Elle avait été unie contre son gré avec un de ses cousins vivant loin du pays. Elle fut poussée, suppliée et finalement obligée par sa mère. Décidant de briser le silence dans une société conservatrice, elle s’est confiée à notre contributeur Mahmoud Talib BALDE. Son objectif est désormais d’empêcher la perpétuation d’une pratique qui brime le cœur de nombreuses femmes.
Mahmoud : Présente-toi s’il te plait ?
Maimounatou : Je m’appelle Maimounatou, Jeune fille unique chez ma mère. J’ai 20 vingt ans. Je suis issue d’une famille polygame. Quand j’ai atteint ma maturité, je faisais encore la Terminale. J’étais rêveuse, ambitieuse et pleine de perspectives. J’avais des projets pour l’avenir. Et je m’étais même lancée des défis à relever. Malheureusement, je devais me marier au même moment. Et de surcroît, avec quelqu’un que je n’aimais point. Je devrais obligatoirement me marier avec toutes les raisons du monde sauf l’AMOUR.
Mahmoud : peux-tu m’en dire un peu plus sur ces raisons ?
Maimounatou : Premièrement, toutes mes demi-sœurs étaient mariées. Ma mère craignait les moqueries et les on-dit des gens, notamment ceux de la famille et du voisinage. Deuxièmement, elle estimait qu’en me laissant dans un milieu aussi hostile et cruel, toute chose nuisible pouvait m’arriver notamment une grossesse non désirée. Troisièmement, elle ne voulait pas que tout le monde soit dans son dos croyant qu’elle est en train de me protéger en me gâtant parce que je suis sa fille unique. Voici en quelque sorte les raisons qui ont poussé ma mère à vouloir à tout prix que je me marie contre mon gré.
Mahmoud : Alors, comment le mariage s’est-il déroulé ?
Maimounatou : Je me suis mariée en 2020 alors que la crise sanitaire de la Covid-19 battait son plein. Ma mère tenait fermement à ce que j’aie un mariage faste. Malgré tous ses efforts et ceux de ma belle famille, je n’étais pas du tout heureuse. Même si je faisais semblant de l’être. Le jour de la cérémonie, je feignais de sourire aux gens. Je m’amusais avec mes camarades mais ça me faisait si mal de m’en rendre compte qu’au fond, je n’allais pas bien. Je souriais malgré moi. Malheureusement, je ne pouvais plus faire marche arrière et désobéir à ma famille. Je ne pouvais plus rien faire. J’étais obligée de me plier à mon destin si morose qui s’annonçait.
Mahmoud : Et ton père dans tout ça ? t’avait-il aussi forcé ?
Maimounatou : j’avoue que mon père est un homme exceptionnel. Il ne fera jamais une chose pareille. Mais, durant toutes les démarches de mon soi-disant mariage, il était gravement malade. C’est pourquoi, il n’a pas eu l’occasion de me demander si j’aimais l’homme qui m’épousait comme toutes mes sœurs. Il n’y est donc pour rien.
Tout en effaçant quelques gouttes de larmes, elle continue de narrer sa mésaventure :
“Après le mariage, je devais rejoindre mon époux pour y passer le restant de ma vie. Je devais donc quitter ma famille, mes amies, ma ville natale, l’école que j’aime tant pour un pays où je n’avais jamais mis pied auparavant. Je laissais derrière moi, une grande partie de ma vie et je partis .”
Mahmoud : une fois arrivée, quand était-il de ton mari ? t’avait-il bien accueilli ? t’aimait-il réellement ?
Maimounatou : Franchement, je n’ai aucune envie de parler de cet homme qui me servait de mari.
Après un moment de silence, elle renchérit :
“Quand je suis arrivée, dès le premier regard j’ai su que je ne l’aimais pas. Je ne pourrais jamais l’aimer d’ailleurs. Il était ferme, avec un air sévère. Il ne parlait pas, et ne faisait même pas attention à moi. Au début, j’avais cru qu’il était timide du fait qu’il a mémorisé le coran. Mais j’ai su plus tard que lui aussi, a été forcé d’épouser une fille comme moi.
Mahmoud : Et la nuit de noce, comment ça s’est passée ?
Maimounatou : Ma nuit de noce ? Une nuit que j’avais tant rêvé de passer avec mon mari, une nuit que je fantasmais beaucoup. Une nuit qui devrait être mémorable pour moi n’a été que vaine. J’ai jusqu’à présent l’impression qu’il m’avait fait l’amour par simple curiosité ou par obligation. Résultat : aucune douceur, aucun romantisme, rien du tout. Il est venu en moi tel un animal mais il faut le reconnaître aussi, il n’a pas été violent.Il fit de moi une femme malgré moi, je me sentais très faible face à tout cela. mais tout était fini.
Mahmoud : Avec tout ça, tu ne t’es jamais plainte ?
Maimounatou : je ne me suis plainte que chez ma mère. Elle faisait tout pour me consoler et me supplier de rester si je voulais son bonheur.
Mahmoud : qu’en est-il de la suite ?
Je ne pouvais pas du tout vivre avec quelqu’un que je n’aimais pas et qui ne m’aimait pas aussi
Maimounatou : Un jour, mon beau-père est venu nous rendre visite. J’ai oublié le motif. Ce jour, je m’étais battue avec mon mari. Il n’était âgé que d’un an de plus que moi. Je lui faisais un peu le poids. Mon beau-père n’en revenait pas face à cette situation. Moi, je m’en foutais. Je ne mangeais pas, ne dormais pas, ne sortais pas de la maison surtout après mon premier rapport sexuel. Je craignais juste de tomber enceinte de quelqu’un que je n’aimais point. Je n’avais qu’une seule envie, rentrer chez moi. Retrouvez ma famille, mes amies, reprendre l’école et toutes mes activités quotidiennes. Je haïssais mon mari, haïssais mes parents et même ma mère. Je ne lui parlais même plus.
Ça me faisait terriblement mal de voir mes camarades reprendre les cours pendant que moi je suis coincée quelque part à ne rien faire. Seulement à un mois du mariage, j’endurais toutes les peines et souffrances du monde. Tout ça, pas parce que je n’avais pas atteint l’âge de me marier. Mais parce que je ne l’aimais pas !! Je voulais à tout prix divorcer même s’il fallait y laisser ma vie. Et heureusement pour moi, l’homme ne forçait rien depuis la nuit de noce. Il ne me jetait plus aucun regard. Je souffrais, bouillonnais de colère et de haine. Je ne pouvais pas du tout vivre avec quelqu’un que je n’aimais pas et qui ne m’aimait pas aussi.
Mahmoud : Et comment t’avais fini avec tout ça ?
Maimounatou : Heureusement, lors du premier rapport sexuel, je n’avais pas contracté de grossesse. Depuis lors, rien ne s’était plus passé entre lui et moi. À la fin du deuxième mois du mariage, je me suis préparée pour rentrer au pays. C’était décidé qu’avec ou sans l’accord de ma mère, j’allais revenir, divorcer et recommencer ma vie de jeune fille. J’ai fait alors mes valises et je suis revenue sous l’étonnement de tout le monde. J’avais donc clairement divorcé.
Mahmoud : et après ton retour ?
J’étais devenue la risée de tout le monde
Maimounatou : Mon père s’en était pris à ma mère en lui reprochant de m’avoir forcé la main. J’étais devenue la risée de tout le monde. Partout où je passais, j’entendais les murmures disant que mon soi-disant mariage n’avait pas abouti. J’ai fait l’objet de plusieurs débats. J’ai été stigmatisée, et me sentais toute seule avec mon malheur. Ma mère disait avoir honte de mon comportement.
Mahmoud : Malgré tout ça, te voilà rayonnante et pleine d’énergie aujourd’hui, comment t’a réussi à surmonter tout ça ?
Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent
Victor Hugo
Maimounatou : “Ceux qui vivent sont ceux qui luttent” dit-on toujours. Même si jusqu’à présent, je n’arrive pas à m’en remettre totalement, à oublier ces moments de désespoir, ces moments sombres de ma vie, je m’efforce quand même à remettre tout ça derrière. Je suis revenue saine et sauve. J’ai repris l’école et mes activités quotidiennes. Je crois que c’était l’essentiel.
Mahmoud : as-tu des conseils à l’endroit des jeunes filles ?
Maimounatou : N’épousez jamais un homme que vous n’aimez pas. Par simple peur ou pour préserver l’honneur d’une quelconque famille, ça ne va jamais marcher. Sinon, vous serez complètement détruite
Propos recueillis par Mahmoud Talib Baldé
Merci beaucoup ce fut un grand plaisir.
Une histoire très émouvante, franchement c’est triste et très difficile à vivre mais il faut avouer que la fille a été très courageuse.
Vraiment